Sensible au problème de la pollution acoustique, Calebasses Labs est une installation qui explore un espace sonore de faible intensité mais d’une grande richesse. A travers une « low-tech » faite principalement de bols de calebasses de l’Amérique du Sud et de transducteurs de basse consommation d’énergie, ce « laboratoire musical » du XXIe siècle propose une diffusion non-intrusive et singulière en déployant une myriade de grains sonores, créant ainsi un espace autant volumineux que silencieux que nous pouvons découvrir grâce à des séances d’écoute de proximité. Une rumeur foisonnante.

Quelle place pour les « low » parleurs ?
Qu’on le nomme haut-parleur, loudspeaker ou altoparlante, celui qui parle fort n’est pas forcement, si on peut le dire ainsi, celui qui a raison. On peut se rappeler de comment le national-socialisme a su imposer un pouvoir « acoustico-politique » grâce aux Lautsprecher . Ou encore regarder l’histoire de l’industrie musicale qui participe depuis les débuts de la reproduction sonore, à faire monter les décibels dans la course vers la hi-fi, jusqu’à provoquer une véritable loudness war qui ne semble pas s’arrêter .
Cela fait plusieurs décennies qu’on a constaté que le bruit et la puissance acoustique est en corrélation étroite avec nos modes de vie et nos modèles économiques . Cela ne va pas sans conséquences. Selon l’OMS, aujourd’hui la pollution sonore serait en Europe, après la pollution atmosphérique, le second facteur environnemental responsable de dommages sanitaires. Il provoque des pertes auditives bien entendu et aussi perturbe le sommeil, entraîne l’obésité, le diabète, les troubles de la santé mentale, les maladies cardiovasculaires et les accidents professionnels.
Comment créer alors sans entretenir le grand tam-tam du monde ? Comment proposer un espace sonore non-intrusif et plus soucieux de notre sensibilité aux sons ? Comment réduire la puissance acoustique sans tomber dans la privation de s’exprimer ? Qu’en est-il alors des « low » parleurs ? De ceux qui n’ont pas besoin de monter la voix ou encore de ceux qui savent garder silence lorsqu’il n’y a rien à dire ? Qu’en est-il des silences naturels, riches en biophonie, menacés en permanence par les grincements de nos agitations ?
Le projet Calebasses Labs
C’est autour de ces questions larges et diverses que le projet Calebasses Labs est né. Son but n’est pas d’apporter une quelconque solution mais d’explorer un espace sonore moins invasif et participer ainsi à une sensibilité sonore depuis une perspective artistique.
Avec une « low-tech » faite principalement de bols de calebasses de l’Amérique du Sud et de transducteurs de basse consommation d’énergie, l’installation explore un dépassement du concept de fidélité sonore et propose une diffusion non-intrusive et singulière. En déployant une myriade de grains sonores à multiples échelles, le compositeur Mario Lorenzo donne à entendre un espace sonore autant riche que subtil que nous pouvons découvrir grâce à des séances d’écoute de proximité.
L’installation
Calebasses Labs est une installation sonore faite de bols de calebasses, de pastilles piezo, de fil de cuivre, d’amplificateurs, de cartes sons et d’ordinateur. Elle peut fonctionner en autonomie ou à travers une performance.

L’installation est tout public
Le public est assis en position bi-frontal à l’installation sur deux rangées. On peut aussi s’assoir par terre.
Le public rentre par séances d’écoute (20′ environ).
Des musiciens ou autres artistes peuvent être ponctuellement invités à jouer autour de l’installation.

Espace sonore volumineux et de faible intensité
Une habitude de langage veut que dans le domaine du son, intensité et volume soient synonymes. Cette indifférenciation est probablement dû au fait que le volume de masse d’air déplacé avec un son est proportionnel à son amplitude d’onde. Plus simplement dit, une forte amplitude occuperait plus d’espace que la même onde lorsqu’elle est faible. Mais du point de vue de la perception, l’intensité et l’espace sonore sont loin de se réduire à l’amplitude du signal. Bien d’autres facteurs rentrent en ligne de compte (fréquence, phase, durée, etc). De ce fait, il est possible de les penser séparément.
Dans cette perspective, on peut percevoir des espaces sonores volumineux, denses, mais de faible intensité. Imaginons le cas d’une forêt silencieuse. Si l’on y prête attention, ce silence est en réalité rempli d’une multitude de petits sons venant tous azimuts. Le vent, les feuilles, les insectes, les oiseaux, les craquements, l’eau, etc. Ce « silence naturel », comme le nomme Jérôme Sueur, est « plein » et n’est pas pourtant envahissant ou agressif. Au contraire, dans un bon nombre de cas, il nous fait du bien.
Multiplicité de grains sonores
Avec l’installation Calebasses Labs Mario Lorenzo explore ce phénomène sans pour autant vouloir le reproduire. En effet, il ne s’agit pas de diffuser des enregistrements de la nature ou autre mais d’un véritable travail de composition, d’écriture polyphonique ou plus exactement, multi-échelle. Ainsi, par des techniques de synthèse et de transformation du son, une myriade de grains à multiples échelles, une densité granulaire est diffusée, avec de micro décalages temporels (3), à travers les calebasses, créant un espace sonore volumineux et de basse intensité qui procure un étonnement esthétique et une sensation d’apaisement.
Ecoute de proximité
L’installation demande donc une écoute de proximité. Même si elle est déployée dans un lieu intime et silencieux, le niveau de diffusion reste en bas de l’échelle des décibels.(1) C’est au visiteur-auditeur d’aller chercher les relations sonores proposées par le compositeur. Placée d’un côté ou de l’autre de l’installation, la personne peut suivre la musique dans ses moindres détails, apprécier la diversité dans ses multiples échelles, proches et lointaines, répétées, variées ou uniques.

Séances d’écoute attentive
L’installation n’est pas interactive dans le sens traditionnel du terme. Elle propose un espace pour se poser et un moment pour une écoute attentive. Elle est donc accessible par séance d’écoute.
- Séance sans instruments (15’ environ)
Toujours avec des composantes aléatoires, chaque séance est unique et invite à une écoute attentive aux rencontres sonores. En effet, l’écriture inclut un grand nombre de figures à différentes échelles spacio-temporelles, mais ces figures ne sont pas complètement fixes. Elles sont composées avec un degré plus ou moins grand d’indétermination dans leur attributs et de ce fait elles peuvent varier, se transformer, apparaître à différents moments, rester en silence, etc. Ainsi, dans chaque séance, même si elle reste la même, il y a des interactions nouvelles.
- Séance avec instruments (25’ environ)
Des musiciens peuvent jouer ponctuellement autour de l’installation. Pour cela des figures composées préalablement servent de base pour des séances d’improvisation instrumentale. D’une durée de 25 minutes environ la séance peut varier selon le nombre d’instrumentistes qui jouent avec l’installation.
- Séance live coding (40’ environ)
Une séance d’écoute plus longue pourra être programmée ponctuellement avec une performance de code en temps réel.

Le « low » comme moyen d’expression
Dans l’installation, la calebasse a la fonction de caisse de résonance. Par contre elle n’est pas associée à des cordes ou des lames en bois comme elle l’est habituellement dans les instruments de l’hémisphère sud. Ainsi, elle amplifie les vibrations des transducteurs piézoélectriques de basse consommation. Ces petits haut-parleurs low-tech en forme de pastilles métalliques dorées sont mis en vibration mécanique par un signal électrique venu des mini amplificateurs très peu énergivores à travers un fil fin en cuivre. L’écriture musicale est réalisée avec un code alphanumérique dans l’ordinateur qui envoie le signal vers la carte son puis vers les piezo.

Cela étant dit, dans ce « laboratoire » il n’y a nullement la recherche d’un modèle ou un prototype destiné à une production industrielle. Elle ne s’inscrit pas dans la dynamique de progrès technologique et d’innovation sans fin qui domine depuis plus d’un siècle les civilisations européennes et nord-américaines. A travers un travail de recherche esthétique, le « low » ici fait signe plutôt à une attitude moins conquérante et plus attentive aux besoins de l’expression humaine.
Exploration au-delà de la » fidélité sonore »
De Bell Labs à Calebasses Labs
Depuis les premières inventions cherchant à amplifier le signal électrique dans les Bell Labs aux Etats-Unis jusqu’à nos jours, l’histoire de l’industrie musicale et plus particulièrement de l’enregistrement et la reproduction sonore a été guidée par la quête du hi-fi : capter et reproduire le monde sonore le plus fidèlement possible à la réalité, même si pour cela il a fallu créer de toute pièce le mythe de la « transparence technologique » pour des intérêts commerciaux.
L’installation explore aussi un dépassement de l’idée de « fidélité sonore » et son corrélat expansionniste et propose, au contraire, une diffusion non-intrusive et unique. Le martèlement publicitaire de « qualité sonore », les notions de son « original » et de « copie », ou encore de « médiation » laissent la place à une recherche autour du son tel qu’il sort de chaque calebasse. Ainsi, la composition et sa diffusion étant indissociables, l’installation n’est ni un instrument ni un appareil de reproduction. Elle est ce qu’elle est : une singularité.


Composition en cours
Extraits sonores de la composition en cours pour l’installation « Calebasses Labs »
Attention : il s’agit de réductions stéréo reproduite dans votre système de diffusion. De ce point de vue, les extraits ne sont que partiellement représentatifs de l’installation.
Version d’essai
Un essai de l’installation dans une version réduite (4,60m x 1,30m) a été fait pour tester sa faisabilité. Les résultats ont été très positif.
Concerts avec l’installation Calebasses Labs
La dimension « Labs » de l’installation envisage aussi une exploration avec des musiciens. Toujours dans un registre d’intensité faible, il s’agit d’intégrer des instruments acoustiques à l’espace sonore de l’installation. Cette expérimentation cherche aussi à essayer d’autres formes de diffusion dans une situation de musique mixte dans laquelle le rayonnement acoustique des instruments interagit avec les sons électro-acoustiques des calebasses.

Projet ayant bénéficié de la Commande d’État en 2024 à travers le programme « Aide à l’écriture d’une œuvre musicale originale du Ministère de la Culture/Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France »